FHH | Les égéries de l’univers horloger

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25 Novembre 2025

Les égéries de l’univers horloger

education

de Christophe Roulet

Les femmes ont de tout temps inspiré les horlogers, mais depuis que le marketing est roi, elles jouent les premiers rôles. Ambassadrices des marques, elles s’immiscent depuis peu dans la création, faisant des « collabs » le nouveau vecteur du luxe. 

À Paris, lors de la soirée d’ouverture organisée par Omega à l’occasion des Jeux olympiques de Paris 2024, parmi les nombreuses stars, impossible d’ignorer la présence charismatique de Cindy Crawford et sa fille Kaia Gerber. Une présence qui souligne assurément le plus long partenariat jamais observé entre une marque horlogère et son égérie. C’est en 1995 que tout a commencé entre Omega et Cindy Crawford, pour le lancement de la montre Constellation dame avec un slogan aussi simple que percutant : « My Choice ». Depuis, la mannequin devenue actrice et entrepreneuse est, elle aussi, restée le choix d’Omega. Une entente à ce point fusionnelle que le virus horloger est passé de mère en fille, avec l’arrivée de Kaia en 2021 pour incarner la gamme Trésor d’Omega, puis les lignes De Ville et… Constellation. 

Kaia Gerber pour Omega

Kaia Gerber pour Omega

Si l’on se reporte aux années 1990, un âge d’or pour les slogans publicitaires du type « Vous n’imaginez pas tout ce que Citroën peut faire pour vous » (1993), force est de constater qu’en comparaison l’horlogerie n’en était qu’à ses balbutiements. À une exception près : la campagne de Patek Philippe datant de 1996 voulant que « Jamais vous ne posséderez complètement une Patek Philippe. Vous en serez juste le gardien, pour les générations futures ». À la différence d’Omega toutefois, cette campagne « Générations » de la Maison genevoise, elle aussi d’une exceptionnelle longévité, n’a jamais été incarnée par un visage connu. Rien de tel chez Omega avec un certain Jean-Claude Biver alors à la manœuvre. On se rappelle d’ailleurs ses hauts faits précédents en matière de marketing lorsqu’en 1981 il lançait la formule choc « Depuis 1735, il n’y a pas eu de montre Blancpain à quartz. Et il n’y en aura jamais. ». Changement de ton chez Omega, dès lors qu’il s’agissait de réaliser un transfert d’image. Autant dire que le transfert a tenu toutes ses promesses. En peu de temps, la montre Constellation est devenue « la montre de Cindy » ! 

Changement de cap

Grâce à cette nouvelle approche personnalisée à l’extrême, Omega tranchait avec les habitudes des horlogers qui consistaient essentiellement à vanter les mérites de leurs produits, insistant avant tout sur les aspects techniques des modèles. Dans un univers inondé de montres à quartz, plus précises, moins chères et très « tendance », autant dire que les atouts pâlissants des garde-temps mécaniques n’étaient plus guère susceptibles de faire rêver. Cindy Crawford, oui ! Elle qui incarnait un style de vie, une réussite sociale et des valeurs chères à Omega, donnait à la Constellation un statut de montre de prestige, pratique et néanmoins féminine, destinée aux femmes volontaires et indépendantes. Quelques années plus tard, Longines, qui appartient au même Swtach Group qu’Omega, devait avoir retenu la leçon. En 1999, la Maison lançait son fameux « Elegance is an attitude » avec comme figure de proue Audrey Hepburn, la célèbre actrice de Vacances romaines qui célèbre la dolce vita, un autre grand chapitre chez Longines. 

Audrey Hepburn pour Longines

Audrey Hepburn pour Longines

La décennie des années 1990 a ainsi marqué un tournant dans la promotion des produits horlogers devant désormais répondre aux sacro-saintes lois du marketing. Si, jusqu’alors, les modèles de montre parlaient d’eux-mêmes, portés par leur propre légende et quelques héros, tous masculins – de James Bond à Steve McQueen –, tout relais de croissance devait être porteur de nouvelles idées, notamment dans l’univers féminin. C’est ce rôle essentiel qu’ont joué les égéries avec comme scénario de base celui du « mimétisme comportemental ». En d’autres termes, une stratégie visant à susciter des comportements d’achat, souvent inconscients, en réponse à des stimuli sociaux. Et ces stimuli, c’est aux femmes publiques qu’il incombait de les provoquer. D’abord choisies pour leur « plastique » et leur prestance, les femmes ont commencé à envahir la planète pub des Maisons horlogères pour rapidement devenir indispensables lorsque les horlogers se sont rendu compte que les femmes, aussi, aimaient les montres et pas seulement leur lestage en carats. 

Une large communauté internationale

Nombreux sont ceux qui, raisonnablement, se demandent si les avantages à voir Julia Roberts porter du Chopard, Serena Williams du Audemars Piguet, Michelle Yeoh du Richard Mille ou Jessica Chastain du Piaget sont suffisamment convaincants pour inciter les marques à conclure ces contrats à coups de millions. Si la meilleure justification vient de la croissance démographique de cette population au sein des marques, la question n’a certainement plus lieu d’être. Les ambassadrices sont partout. Et désormais elles proviennent de tous les milieux : mode, mannequinat, cinéma, sport, univers des miss ou des familles princières. Elles investissent même les bastions les plus masculins. Breitling se fait ainsi un honneur de peupler ses fameuses « squads » de figures emblématiques à l’instar de l’actrice Charlize Theron, accompagnées de surfeuses et de championnes de triathlon. Richard Mille fait de même en agrandissant année après année sa grande « famille » de sportives d’élite provenant du sport auto, du golf, du ski, de l’athlétisme…, tout comme TAG Heuer, tandis qu’Hublot verse dans la gastronomie avec Anne-Sophie Pic et Clare Smith. Plus question, d’ailleurs, de s’intéresser uniquement à l’apparence physique de ces célébrités sur papier glacé. Les marques les choisissent désormais pour ce qu’elles font avec créativité, ténacité, talent et détermination, comme le montre l’exploratrice et artiste Zaria Forman, qui fait partie des talents réunis par Vacheron Constantin sous l’appellation « One of not many ».  

 

Serena Williams pour Audemars Piguet

Serena Williams pour Audemars Piguet

Cette diversité n’est d’ailleurs pas exclusivement catégorielle, elle est également géographique. Comme le pré carré des horlogers s’est aujourd’hui agrandi aux cinq continents, il est devenu essentiel de respecter les valeurs et les cultures locales. Et comme tous lorgnaient ces dernières années avec insistance sur l’Asie, on retrouve parmi les « protégées » des marques nombre de personnalités asiatiques comme les actrices coréenne Han So-hee chez Omega et chinoise Liu Yifei chez Bulgari, ou encore la chanteuse coréenne Suzy chez Longines aux côtés de la star chinoise Zhao Liying. Rien d’anecdotique dans cette présence asiatique au sein des marques : en Chine, « les gens qui exercent une réelle influence sur le secteur du luxe sont principalement des célébrités qui font la promotion de marques », expliquait à Watches and Wonders Peter Xu, bloguur chinois avec une audience de plusieurs millions de personnes sur Weibo. Les ambassadrices des marques composent ainsi une large communauté internationale où il n’est désormais plus rare de voir l’une ou l’autre de ses illustres représentantes « papillonner » d’une Maison à l’autre, quand elles ne se succèdent pas à grande vitesse et au gré des changements de stratégies commerciales, quitte à brouiller les cartes. En ce sens, la solidité des liens unissant Omega et Cindy Crawford fait figure d’exception. 

La chanteuse Pink Suzy pour Longines

La chanteuse Pink Suzy pour Longines

Les « collabs » prennent le relais

Reste que cette multiplication de visages, même suants et soufflants, à coller sur des montres semble aujourd’hui perdre de sa pertinence. S’il est question de toucher une audience plus large, surtout auprès de jeunes générations trop promptes à bouder la montre mécanique, il s’agissait de faire preuve d’imagination. Ou de s’inspirer de formules testées ailleurs avec succès. En l’occurrence, ce sont les collaborations qui semblent aujourd’hui prendre le relais, ces fameuses « collabs » qui ont déjà fait quelques beaux jours des maisons de mode. Engagées dans un processus de cocréation, ces personnalités apportent un vent nouveau, de nouvelles audiences et une notoriété immédiate à leurs partenaires horlogers. Alors à la tête de TAG Heuer, l’ineffable Jean-Claude Biver déclarait à propos des collaborations de la Maison : « Je souhaite non seulement continuer à reconnecter la marque aux jeunes générations, aux milléniaux, mais aussi ouvrir de nouveaux territoires d’expression dans des domaines aussi variés que les produits, le marketing et la communication, la distribution… » 

S’il est vrai que ces collabs se sont multipliées dans l’offre largement prépondérante de la montre homme, elles commencent également à percer dans l’univers féminin. Audemars Piguet a ainsi travaillé avec la bijoutière Carolina Bucci pour son Frosted Gold et avec la styliste de haute couture Tamara Ralph pour une édition limitée de sa Royal Oak. Toujours dans le domaine de la haute couture, c’est la styliste Yiqing Yin qui a participé au développement des montres Égérie phase de lune présentées par Vacheron Constantin à Watches and Wonders Geneva 2024, en même temps qu’une montre concept The Pleats of Time dotée d’un bracelet encapsulé d’un parfum dédié. Chez Breitling et toujours dans la haute couture, la Maison Victoria Beckham a participé au développement de la collection éponyme Chronomat 36 automatique. Quant à Jacob & Co, c’est Rihanna qui a donné ses directives pour la réalisation des pièces qu’elle portait récemment, notamment à Paris lors du premier défilé de mode Pharrell Williams pour Louis Vuitton. Autant dire que sa nouvelle montre tourbillon joaillerie portée en collier en a décoiffé plus d’une. Avec un tel « buzz », quod erat demonstrandum ! 

Rihanna à Paris au défilé Pharrell Williams

Rihanna à Paris au défilé Pharrell Williams