Si l’on doit aux femmes le port de la montre au poignet dès le xixe siècle, bien avant que les hommes ne les imitent pour des raisons pratiques, il faut attendre les années 1900 pour que cet usage commence à se généraliser. La révolution industrielle aidant, l’horlogerie a commencé à perdre son statut huppé basé sur des développements techniques et scientifiques réservés aux élites. Avec la mise au point de calibres aux pièces interchangeables et l’instauration des premières chaînes d’usinage et de montage aux États-Unis puis en Europe, la montre est progressivement devenue un objet du quotidien à la portée du plus grand nombre. Il faudra certes encore deux à trois décennies pour que les modèles de poche perdent leur hégémonie. Les nouveaux codes vestimentaires, l’évolution des us et coutumes, la lente apparition d’une société de loisirs couplée aux envies d’horizons lointains et d’activités de plein air commandaient toutefois un autre porter de la montre. Ce que les poilus du premier conflit mondial avaient instauré, les civils allaient le démocratiser. L’ère de la montre-bracelet était née.
De leur côté, les femmes avaient depuis longtemps pris l’habitude de varier les plaisirs horlogers, arborant leurs montres comme des bijoux d’une grande préciosité à porter en sautoir, en broche, au pendant… Il n’en reste pas moins qu’à leur poignet la place était à prendre. D’autant qu’en matière de « montres de poche » elles n’avaient rien à envier à la gent masculine. Certains horlogers ont ainsi très vite compris tout l’intérêt à développer des modèles exclusivement féminins pour un public conquis. Dès lors, pourquoi changer les règles du jeu ? Étant donné que les femmes semblaient bel et bien apprécier les produits horlogers comme un accessoire à marier avec leur tenue, c’est le côté bijoutier qui, forcément, devait l’emporter. Non sans poser le problème récurrent de la miniaturisation, réalisable seulement au détriment de la précision. Mais l’heure est aux changements. Avec les Années folles, l’avènement de l’Art déco et les premiers signes patents d’émancipation féminine, l’audace est de mise. Certains horlogers sauront y répondre, notamment avec des montres dites « de forme ».