Génie de son temps, ébéniste passionné d’horlogerie, qu’il apprend en autodidacte, mais ignoré, voire méprisé, par ses pairs, John Harrison a marqué l’histoire horlogère par deux inventions majeures : le pendule bimétallique et le chronomètre de marine, un apport inestimable à la navigation en mer. C’est par la fabrication d’horloges en bois dotées de mécanismes innovants qu’il se fait remarquer. Vers 1720, il honore ainsi une commande de la ville de Brocklesby Park pour une nouvelle horloge avec une réalisation en bois de chêne et de gaïac dotée d’une invention de son cru, l’échappement sauterelle logé dans un mouvement dénué de friction qui fonctionne sans lubrification. Quelques années plus tard, entre 1725 et 1728, il conçoit encore trois pendules, pour lesquelles il développe un balancier bimétallique parfaitement insensible aux changements de température, une avancée d’importance dans la précision des mécanismes horlogers. À partir de 1730, John Harrison, soutenu par l’horloger George Graham et l’astronome Edmond Halley, se lance dans son grand œuvre : la réalisation d’un chronomètre de marine auquel il va consacrer le reste de sa vie et toute son énergie.
Au XVIIIe siècle, les enjeux économiques s’étaient largement déplacés vers les colonies détenues par les grandes puissances européennes, colonies pourvoyeuses d’inestimables richesses. D’où l’importance cruciale de la maîtrise des océans et des routes maritimes. Le problème avec la navigation en haute mer de l’époque, c’est que le calcul de la longitude n’était pas résolu. En l’absence de chronomètres suffisamment fiables pour déterminer avec précision le temps parcouru par un navire entre deux points, les risques de dérive et donc de naufrage étaient patents. En 1707, le Parlement britannique édicte le Longitude Act, une loi prévoyant une récompense de 20 000 livres – une somme colossale pour l’époque (l’équivalent de plus de 3 millions de livre en 2020) – à qui mettrait au point une méthode permettant de déterminer avec exactitude la longitude en mer. L’Académie de Paris fera de même quatre ans plus tard.
La fine fleur des horlogers se met alors à la tâche avec, en filigrane, la rivalité opposant les Anglais aux Français. C’est finalement le génial John Harrison qui résolut le problème. Après avoir travaillé une vingtaine d’années sur les modèles H1, H2 et H3 sans cesse perfectionnés, il présentait en 1759 son désormais fameux H4, un chronomètre de marine extraordinaire appelé « montre de mer », ressemblant à une grosse montre de poche avec son diamètre de 13 cm pour 1,5 kg. Testé en mer au début des années 1760, le chronomètre remplira toutes les conditions pour honorer son auteur. Mais le Parlement britannique et le Bureau des longitudes rechignent. John Harrison devra attendre vingt ans et son ultime H5 pour être reconnu, grâce finalement à l’intervention du roi George III.
c. 1720
Mise au point de la compensation à gril pour pendules, qui utilise deux métaux (acier et laiton) dont les dilatations différentes compensent les effets de variation des températures.
c. 1720
Invention de l’échappement « sauterelle », nouvelle forme d’échappement à recul pour pendules. Difficile à régler, il sera peu utilisé, sauf par John Harrison.
1735
John Harrison achève son premier chronomètre de marine, appelé « H1 ».
1761
Invention d’un système de compensation des effets de la variation des températures par l’utilisation de lames bimétalliques pour contrôler la longueur active du spiral.
1761-1765
Expérimentation en mer du chronomètre de marine H4 lors de deux voyages en mer. Sa précision se révèle supérieure à celle exigée par le concours (Longitude Act). Il reçoit 10 000 livres comme paiement provisoire pour celui-ci.
1773
John Harrison est récompensé par le Parlement pour son chronomètre H5 et reçoit une prime de 8 750 livres. Il est âgé de 80 ans.