Les horlogers célèbres. Les horlogers célèbres. Les horlogers célèbres. Les horlogers célèbres. Les horlogers célèbres

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17 Avril 2023

Les horlogers célèbres

Héritage

de Christophe Roulet

Comment parler d’horlogerie sans évoquer les génies créateurs qui ont, tous ensemble, posé les jalons d’une histoire horlogère pluriséculaire ? Contribuant de manière significative au façonnement d’un héritage sans pareil, découvrez qui se cachent derrière les fondements de l’horlogerie d’hier et de demain. 

Nicolas Copernic (1473-1543) - Galileo Galilei (1564-1642)

Nicolaus Copernicus

Nicolaus Copernicus

Dans son infinie modestie, l’homme a très longtemps pensé que tout tournait autour de lui. Exprimé en termes de cosmologie ou structure de l’univers, cela veut dire qu’il était persuadé que la Terre se tenait immobile au centre de monde. Les plus éminents érudits comme Aristote ou Ptolémée ne l’avaient-pas démontré ? Tout comme ils avaient calculé les distances séparant la Terre des deux « luminaires » que sont le Soleil et la Lune et des cinq planètes visibles à l’œil nu : Mercure, Vénus, Mars Jupiter et Saturne. A l’exception notable de celle d’Aristarque de Samos, qui vécut au 3e siècle av. JC, toutes les cosmologies de l’Antiquité étaient ainsi géocentriques. Si bien que l’Eglise en fut l’ardente défenseure, confortée par les Saines-Ecritures qui placent la Terre au centre de l’univers. « C’est pourquoi la terre est ferme, elle ne peut vaciller », peut-on notamment lire dans le psaume 19. Erigée en dogme, cette théorie n’a rencontré que peu de contestation au cours de siècles. Et pour cause. Tout savant qui osait en nier les fondements passait pour un hérétique. Et l’on connaît le sort réservé par l’Inquisition à toute personne qui remettait en cause l’orthodoxie de l’Eglise. Le philosophe italien Giordano Bruno, condamné au bûcher en 1600, en a fait l’expérience.  

Esprit universel comme il en fut de remarquables à la Renaissance, le polonais Nicolas Copernic ne s’en est toutefois pas laissé compter. Scientifique au sens large, il devait d’abord étudier les arts à l’Université de Cracovie avant de s’intéresser à la médecine, aux mathématiques et surtout à l’astronomie à l’Université de Bologne, sous la conduite de Domenico Maria Novara. De retour en Pologne, ses charges de chanoine et administrateur du diocèse de Frombork, ne l’empêchent toutefois pas de poursuivre ses recherches astronomiques depuis son observatoire. C’est là qu’il conçoit son système héliocentrique, où la Terre tourne sur elle-même avec la Lune pour satellite et où toutes les planètes effectuent leur révolution autour du Soleil. Ces théories, il va les développer dans deux ouvrages majeurs. Courageux mais pas téméraire, Copernic va toutefois en retarder la publication. Le premier ne sera édité qu’au 19e siècle, tandis que le second, achevé en 1430, ne paraîtra que 13 ans plus tard, le jour de sa mort. Copernic était destiné à être un auteur que l’on se passait sous le manteau, de peur de finir dans les geôles de la Curie romaine.

Galilée

Galilée

Galilée ne l’entendait toutefois pas de cette oreille. Autre génie de la Renaissance, ce mathématicien, géomètre, physicien et astronome italien s’est d’emblée posé en défenseur de l’approche copernicienne. Inventeur de la lunette astronomique, qui lui permit de découvrir les anneaux de Saturne ainsi que les phases de Vénus, preuve irréfutable de la vérité des travaux de Copernic selon lui, Galilée ne manquait pas d’arguments. Ni d’appui, en la personne du cardinal Maffeo Barberini, futur pape Urbain VIII, qui l’invite à présenter ses travaux au collège pontifical de Rome. Premier essai, premier échec d’une longue liste de rebuffades de la part de l’Eglise qui interdit à Galilée de professer ses thèses héliocentriques. Celui-ci s’entête, comparaît plusieurs fois devant les éminences du Saint-Siège, multiplie les écrits polémiques. Au point que « l’affaire Galilée » ne cesse d’enfler et se termine par une accusation de trahison. Galilée, contraint, parjure ses thèses devant le Saint Office. Le pape évitera toutefois le bûcher au scientifique qui termine sa vie assignée à résidence dans la ville de Florence. Il faudra attendre… 1992 pour que Galilée soit pleinement réhabilité par le pape Jean-Paul II, jugé cette fois « plus perspicace que ses adversaires théologiens ».  

Ce sont les travaux d’Isaac Newton (1643-1727) qui ont finalement contribué à faire taire la résistance pontificale face à l’héliocentrisme. Il n’en demeure pas moins que Copernic comme Galilée ont eu une influence décisive dans la diffusion et la défense de ces idées. Copernic devait défier les croyances religieuses pour proposer une nouvelle vision du monde basée sur le calcul, vision étayée par les travaux de Galilée qui fut par ailleurs le premier à formaliser les propriétés chronométriques du pendule. De l’observation des astres à la mesure du temps, le pas était largement franchi.

Christian Huygens (1629-1695) & Isaac Thuret (1630-1706)

Christiaan Huygens

Christiaan Huygens

La Hollande du 17e siècle connaît un véritable âge d’or intellectuel en raison d’une totale liberté de culte accordée à ses résidents. Christian Huygens, esprit scientifique féru de physique, de mathématiques et d’astronomie, est le parfait exemple de cette libre pensée qui lui permit de développer ses travaux, avec d’importantes découvertes à la clé dans ses trois domaines de prédilection. Mais c’est surtout la mesure du temps que Christian Huygens a marqué de son génie scientifique, volontiers considéré comme le père de l’horlogerie moderne. Après s’être intéressé aux découvertes de Galilée, il commence par mettre au point l’horloge à pendule. Suivra l’invention du spiral plat en 1675, une découverte qui lui vaudra toute sa notoriété. Elément essentiel de la régulation des montres mécaniques, le spiral est aujourd’hui encore considéré comme un composant horloger stratégique, produit par un nombre restreint d’entreprises. 

C’est lors de son séjour à Paris, où Christian Huygens s’installe dès 1666 à la demande Colbert, ministre des Finances du roi Louis XIV, qu’il met au point l’invention du spiral. N’étant pas horloger lui-même, il se met à la recherche d’un professionnel à même de construire une montre sur la base de ses découvertes. Il va le trouver en la personne d’Isaac Thuret, horloger du roi en charge de l’entretien des « machines » de l’Académie des sciences où, précisément, Christian Huygens avait été admis. Isaac Thuret est homme de savoir, notamment pour avoir réalisé deux horloges destinées aux observation astronomiques. Inutile de dire qu’il va se passionner pour l’invention du spiral, au point d’en revendiquer la paternité. Pour la petite histoire, Isaac Thuret aurait en effet présenté l’invention à Colbert dans le plus grand secret et dans le dos de Huygens. Le différent sera finalement réglé par un brevet accordé à Huygens. Son nom pouvait passer à la postérité. 

George Graham (1673-1751) & John Harrison (1693-1776)

George Graham

George Graham

Au tourant du 18e siècle, l’horlogerie anglaise est en pleine effervescence. Non seulement les montres produites par ses éminents représentants connaissent une réputation sans faille, mais elles font également preuve d’innovations constantes. Thomas Tompion, connu pour avoir été le premier horloger à fabriquer des montres en série numérotées, tout comme son protégé et successeur George Graham en sont les dignes représentant. A George Graham, on doit notamment un échappement pour pendule encore utilisé de nos jours dans les horloges à haute précision, tout comme le pendule à mercure qui permettait d’annuler leffet des variations de température sur la précision des mouvements mécaniques. Savant de renom, intéressé aux progrès de la science, George Graham est également connu pour avoir soutenu le jeune John Harrison dans ses recherches en vue de mettre au point un chronomètre de marine fiable, objet de toutes les convoitises à cette époque de conquête des mers.

John Harrison

John Harrison

Comme le poète maudit, John Harrison, génial inventeur, est resté en marge de l’«establishment » horloger britannique qui, contraint et forcé, dut finalement reconnaître toute la valeur de ses travaux. Charpentier de formation et non horloger, parfait autodidacte, John Harrison s’est d’abord fait connaître par ses horloges en bois et son balancier bimétallique parfaitement insensible aux écarts de température. Cela ne devait toutefois être qu’une entrée en matière car John Harrison allait ensuite consacrer toute son énergie à la réalisation d’un chronomètre de marine. Le Parlement britannique, tout comme l’Académie de Paris, avait d’ailleurs promis des récompenses colossales à qui trouverait la solution du calcul de la longitude en mer, solution qui devait passer par la réalisation d’un chronomètre embarqué précis et fiable. Après des années de travaux, John Harrison présentait son fameux H4 en 1959. Testé en mer avec succès l’année suivante, ce chronomètre de marine d’une précision extrême remplissait toutes les conditions requises. John Harrison dut toutefois attendre vingt ans et l’intervention du roi pour être finalement reconnu par ses pairs, trois ans avant sa mort. Il avait tout simplement inventé la précision mécanique.

Jean-Antoine Lépine (1720-1814) & Ferdinand Berthoud (1727-1807)

Ferdinand Berthoud

Ferdinand Berthoud

Au 18e siècle, deux « écoles » d’horlogerie s’affrontent sur le terrain de l’innovation et notamment sur la réalisation d’instruments de mesure destinés à la marine suffisamment précis pour permettre le calcul de la longitude en mer. Si, du côté anglais, ce sont les travaux de John Harrison qui retiennent toutes les attentions, du côté français, le « champion » a pour nom Ferdinand Berthoud. Cet horloger suisse installé à Paris, talent précoce, sera vite remarqué. Nommé Horloger de la Marine puis Horloger-mécanicien du Roi Louis XV, il fait merveille avec ses chronomètres de marine. A tel point, que les mauvaises langues lui prêtent quelques tentatives d’« espionnage industriel » menées en terre anglaise auprès de la concurrence. En avait-il besoin ? Ses talents d’horlogers, comme ceux qu’il a déployé tout au long de sa vie pour en décrire les particularités dans une abondante littérature sur le sujet, en ont fait l’une des figures éminentes du siècle. Ferdinand Berthoud laisse ainsi une œuvre d’une ampleur exceptionnelle dans le domaine des chronomètres de marine, certes, mais aussi dans celui des montres et des pendules comme des outils spécialisés et de mesure scientifique avec, à la clé, des dizaines d’ouvrages et mémoires qui s’étalent sur pas moins de 4'000 pages.

Jean-Antoine Lépine

Jean-Antoine Lépine

Contemporain de Ferdinand Berthoud, Jean-Antoine Lépine débarque, lui aussi dans sa prime jeunesse, dans la capitale française pour y glaner les honneurs qu’il mérite. Il y fait la connaissance de l’horloger du roi André-Charles Caron dont il épouse la fille, elle-même sœur de Beaumarchais, figure incontournable du Siècle des lumières. Avec une carrière désormais lancée, Jean-Antoine Lépine est appelé à présenter ses travaux au roi Louis XV, dont une montre astronomique à équation du temps et quantième perpétuel. Un chef-d’œuvre qui lui vaudra d’entrer dans les bonnes grâces de Louis XV, pour ensuite s’attirer celle de Louis XVI et enfin de Napoléon. Ce que l’on retient des travaux de Jean-Antoine Lépine tient surtout au calibre qui porte son nom, passé à la postérité comme le précurseur des mouvements modernes des montres mécaniques. En raison de la suppression du système de transmission par fusée-chaîne et du remplacement de la platine supérieure avec ses piliers par des ponts indépendants servant à maintenir les composants mobiles, cette nouvelle configuration permettait de réduire considérablement l’épaisseur des montres. Une révolution pour l’époque qui reste parfaitement d’actualité avec la quête actuelle de l’ultime minceur horlogère.

John Arnold (1736-1799) & Abraham-Louis Breguet (1747-1823)

John Arnold

John Arnold

Horlogers de génie, l’un en Angleterre et l’autre en France, John Arnold et Abraham-Louis Breguet ont cherché à se connaître, tant ils appréciaient mutuellement leurs travaux d’horlogerie. A force, ils sont devenus amis, au point de prendre en apprentissage leurs fils respectifs. Et à la mort de John Arnold, Abraham-Luis Breguet lui a rendu le plus beau des hommages. Cette affinité entre les deux hommes, cette communauté d’esprit par-delà la Manche est suffisamment rare pour être soulignée dans un univers où de tous temps, les horlogers ont eu plutôt tendance à se toiser qu’à collaborer. A John Arnold, on doit d’extraordinaires montres miniatures dont une petite montre à sonnerie insérée dans le chaton d’une bague qui lui valut l’admiration et les faveurs de la cour. Également lancé dans la course à la chronométrie de marine, plusieurs de ses pièces assureront sa notoriété, notamment auprès de l’explorateur James Cook qui embraque son chronomètre N°3 dans son deuxième voyage vers le Pacifique. Parmi ses travaux, on notera ses efforts visant à simplifier les techniques d’horlogerie, prélude à la production en série.

Abraham Louis Breguet

Abraham Louis Breguet

Elève de Berthoud et de Lépine, Abraham-Louis Breguet, débarqué à Paris de sa Suisse natale, y fera sa réputation. Aujourd’hui considéré comme l’un des horlogers les plus talentueux de l’histoire pour avoir révolutionné toutes les facettes de la mesure de temps, tant techniques qu’esthétiques, Abraham-Louis Breguet était déjà largement reconnu de son vivant, célébré dans toutes les principales cours d’Europe pour des réalisations qui ont su conquérir l’élite politique, scientifique et militaire. Sans vouloir nommer toutes les avancées dues au maître horloger, on retiendra l’invention du tourbillon, breveté en 1801, soit un génial mécanisme conçu pour compenser les effets de la gravitation terrestre sur la bonne marche des mouvements horlogers. Aujourd’hui encore, cette complication est considérée comme l’une des plus prestigieuses en horlogerie. A la mort de John Arnold, Abraham-Louis Breguet modifia l’un des tout premiers chronomètres de poche de son ami pour y intégrer son invention : le tout premier régulateur à tourbillon jamais produit, offert au fils de celui qu’il estimait tant.