FHH | Les femmes dans l’industrie horlogère

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Les femmes dans l’industrie horlogère . Les femmes dans l’industrie horlogère . Les femmes dans l’industrie horlogère . Les femmes dans l’industrie horlogère

02 Juin 2025

Les femmes dans l’industrie horlogère

de Christophe Roulet

Essentielles à l’industrie horlogère suisse, les femmes représentent près de la moitié des emplois de la branche mais à peine 20 % des postes de direction. Une rareté tout helvétique ! 

Sans les femmes, l’horlogerie suisse n’aurait probablement pas atteint les sommets qu’on lui connaît. Et pourtant, cet univers est resté un apanage masculin pendant des siècles. Les garde-temps étaient une affaire d’hommes, pensait-on, produits par des mains mâles pour des poignets virils. Un univers sans considération pour les travailleuses en atelier où l’on « reléguait » volontiers les montres dame au rang d’accessoires qui donnent l’heure. La réalité est assurément tout autre pour autant que l’on se penche sur l’histoire horlogère et les statistiques de la branche. Il n’en reste pas moins que les fables les plus tenaces ne sont pas dépourvues d’un fond de vérité et que les femmes ont – trop – longtemps joué les « utilités » dans le monde horloger. En d’autres termes, il a fallu du temps, de la ténacité, voire de la témérité pour que les femmes sortent des ateliers où les Maisons les employaient à des tâches répétitives, voire dangereuses. Mais qu’en est-il aujourd’hui ?

Si l’on se penche sur le recensement horloger de la Convention patronale de l’industrie horlogère suisse (CPI), on constate dans un premier temps que, à l’aune du marché du travail, le troisième exportateur de l’économie suisse a le vent en poupe. Sur les six dernières années à fin 2023, les effectifs de la branche horlogère ont ainsi enregistré une croissance de 19 % à 65 200 personnes, un chiffre resté stable (+ 0,6 %) en 2024 malgré un climat économique morose. Au sein de ces effectifs, les femmes représentent globalement 42,7 % des emplois. Cette proportion varie peu si l’on considère leur place au sein des activités de production (42,9 %) et d’administration (44,3 %). Cette quasi-parité serait-elle suffisante pour faire taire la critique ? Pas totalement si l’on considère les postes de direction, où la présence féminine se fait nettement plus rare (19,5 %). En d’autres termes, les femmes « luttent » à 4 contre 1 pour ce qui est de la conduite de l’industrie. 

Effectifs de l’industrie horlogère suisse selon le sexe   2023

Source : Convention patronale de l’industrie horlogère suisse – Recensement 2023

Absence remarquée

Force est toutefois de constater que cette disparité n’est pas une « particularité horlogère ». Comme le relève l’institut de recherche de l’Université de Saint-Gall dans son étude « Gender Intelligence Report 2024 » portant sur 370 000 employés dans une centaine de compagnies helvétiques tous secteurs confondus, l’antienne voulant qu’en Suisse les femmes sont (presque) également représentées dans les fonctions non managériales doit être complétée par le fait qu’elles sont largement absentes des postes d’encadrement supérieur. Un thème récurrent au fil des éditions du rapport, notent les auteurs, pour qui l’année 2024 ne fait pas exception : « Bien que les femmes occupent 47 % des postes non décisionnaires, elles ne sont représentées qu’à hauteur de 22 % dans le top management. » Un mot, encore, sur les rémunérations avec un écart entre hommes et femmes qui passe de 7 % au bas de l’échelle salariale pour grimper à 18 % au sein des cadres moyens et supérieurs. Pire : si l’on considère les primes annuelles comme un reflet de la valeur perçue de l’employé, que dire de l’écart stupéfiant de 54 % entre femmes et hommes ? 

Source: Gender Intelligence Report 2024

Comme le résume Benoît Conrath, horloger chez Vaucher Manufacture Fleurier, sur le blog de la Maison, « oui, les métiers ne sont plus sexués ; aujourd’hui, les femmes sont partout, dans tous les métiers et dans l’encadrement. La parité des salaires est parfois acquise, pas forcément celle des emplois qualifiés, ni celle dans au niveau des cadres de l’entreprise. Cela avance déjà dans les entreprises comme chez nous. Le chemin de la reconnaissance des femmes dans nos métiers horlogers n’est pas fini ». Et pourtant, d’aucuns se plaisent à voir la bouteille remplie au cinquième plutôt que vide dans la proportion inverse avec l’espoir, si ce n’est la ferme conviction, que la « cause » des femmes avance. 

Le pouvoir au féminin

De fait, le renouveau de la montre mécanique au tournant du millénaire et son entrée par la grande porte dans l’univers du luxe ont fortement contribué à « féminiser » l’horlogerie. Non seulement les Maisons de la branche se sont rendu compte que leur clientèle cible était – potentiellement – constituée pour moitié d’amatrices, mais elles ont également commencé à (entre)ouvrir la porte de leurs bureaux de direction à des femmes quand elles n’ont pas simplement pris le pouvoir ou fondé leur propre entreprise.

Nayla Hayek préside le conseil d’administration de Swatch Group tandis que Jasmine Audemars a pendant longtemps occupé le même poste au sein d’Audemars Piguet, une Maison qui vient de nommer Ilaria Resta à sa tête ; au sein du groupe Richemont, Catherine Rénier dirige Van Cleef & Arpels après avoir conduit Jaeger-LeCoultre pendant plusieurs années, tout comme l’a fait Chabi Nouri chez Piaget ; Chopard est coprésidé par Caroline Scheufele ; Christelle Rosnoblet mène dorénavant la destinée de Speake-Marin, tout comme le font Fiona Krüger et Alcée Montfort avec leur propre marque, et Christine Hutter avec Moritz Grossmann à Glashütte ; on trouve désormais Amanda Mille et Cécile Guenat au cœur de la direction de Richard Mille, et l’horlogère Carole Forestier-Kasapi comme responsable du développement produits chez TAG Heuer. Et c’est encore sans parler des artisanes d’art comme Anita Porchet ou Michèle Rothen, qui occupent le devant de la scène et des sous-traitants comme Fiedler, producteur d’aiguilles de montre emmené par Isabelle Chillier. 

Women in the watch industry

Women in the watch industry

Inutile de prolonger la liste. Même si elle n’est guère pléthorique, elle prend une consistance parfaitement inconnue il y a une vingtaine d’années. À ce moment, on comptait les femmes dirigeantes sur les doigts de la main, à l’instar d’Aletta Stas, cofondatrice de Frederique Constant, ou de Nathalie Veysset, à la tête de DeWitt. Mais comme le disait récemment Aurélie Picaud, directrice du département Montres de Fabergé, en ce qui concerne les droits et l’expérience des femmes : « Les principes de base ne sont, malheureusement, pas encore respectés dans tous les lieux de travail : par exemple l’égalité en matière de salaire, de respect, d’opportunités et de reconnaissance ». Un constat que la branche horlogère doit aujourd’hui démentir.

 

Le politique s’en mêle

La présence des femmes au sein des instances dirigeantes des entreprises helvétiques a posé suffisamment problème pour que le politique s’en mêle. Selon les directives du Conseil fédéral, depuis 2021, les grandes sociétés cotées en Bourse doivent en effet nommer davantage de femmes aux postes de cadres, le seuil étant fixé à 30 % au sein des conseils d’administration et à 20 % dans les comités de direction. En cas de non-respect de ces seuils, les entreprises devront expliquer dans leur rapport de rémunération pourquoi ces quotas n’ont pas été atteints et indiquer les mesures prévues pour y remédier. Cette injonction entre en vigueur en 2026 en ce qui concerne les conseils d’administration et 2031 pour ce qui est des directions d’entreprise.